Les Algérois qui prennent habituellement le bus de l’Établissement public de transports urbains et suburbains pour se rendre à leur lieu de travail, ont eu la surprise, jeudi, d’être confrontés à une grève des travailleurs de cette entreprise, exactement comme les usagers d’Algérie Poste, à la fin du mois de janvier, qui, eux aussi, ne s’attendaient pas à trouver les bureaux fermés pour cause de grève, alors que nombre d’entre eux, comptaient retirer leur allocation chômage.
Dans les deux cas, les usagers n’avaient aucune information sur ces grèves ni sur leurs motifs. Jeudi, c’est l’ETUSA qui a annoncé la grève-surprise de ses employés, sans en donner les raisons, mais tout en s’excusant auprès de ses usagers pour ces désagréments.
On devine toutefois qu’il s’agit de revendications sans doute fondées et légitimes, liées aux salaires ou aux conditions de travail, et pour lesquelles les négociations, si elles existent, n’arrivent pas à trouver de solutions.
Comme pour la grève des travailleurs d’Algérie Poste, c’est l’action en justice qui a mis fin, dès jeudi soir, à la grève des travailleurs de l’ETUSA, déclarée illégale par le tribunal de Sidi M’hamed. La grève surprise a été entachée par la coïncidence avec l’incendie déclenché, la veille, mercredi matin, au parc de l’ETUSA d’El-Harrach, endommageant 11 bus.
Le procureur de la République près le tribunal d’El-Harrach a ordonné l’ouverture d’une enquête pour déterminer les causes exactes de l’incendie, a annoncé, dans un communiqué, le parquet de la République près le même tribunal.
Le même communiqué a ajouté qu’il est également procédé, en coordination avec le parquet de la République près le Pôle pénal national de lutte contre la cybercriminalité, à une enquête sur un appel anonyme à la grève à l’ETUSA à Alger.
L’article 70 de la Constitution reconnaît aux travailleurs le droit de grève dans le cadre de la loi, qui est, encore, celle du 6 février 1990 relative à la prévention et au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève, en attendant sa révision en cours actuellement. Cette loi traite de la démarche de prévention des conflits et, si nécessaire, des procédures de conciliation et du recours à la médiation ou à l’arbitrage en cas de non conciliation.
En cas d’échec de cette démarche, la loi fixe les modalités d’exercice du droit de grève, c’est-à-dire l’approbation par le collectif des travailleurs et le préavis de grève, ainsi que le service minimum. Pourquoi les travailleurs de l’ETUSA, qui se sont mis en grève jeudi, n’ont-ils pas respecté la loi? La grève surprise entraîne des «dommages collatéraux » qui peuvent être considérables, surtout quand elle concerne un service public comme les transports en commun.
Jeudi, s’ils avaient été avertis de la grève, les Algérois auraient pris leur disposition pour éviter le retard, voire l’absence à leur lieu de travail. La grève surprise, non motivée par un cas de force majeure qui provoque spontanément cette forme de protestation, donne en outre l’impression d’être un acte « anarchique et irresponsable » préjudiciable non seulement aux usagers mais à l’entreprise elle-même, dans ce cas à l’ETUSA, et au service public qu’elle assure.
Tout dernièrement, lors de son entrevue périodique avec des représentants de la presse nationale, le président Abdelmadjid Tebboune a parlé du droit de grève, qui est, a-t-il rappelé, en vertu de la loi « l’ultime étape du processus de protestation, une fois toutes les étapes légales épuisées ».
La grève-surprise de l’ETUSA est intervenue dans le contexte de la révision- dont le contenu est contesté par plusieurs syndicats alors que des députés sont convaincus que ces textes sont positifs pour les travailleurs- de deux projets de textes modifiant les lois du 2 juin 1990, relative, l’une, aux modalités d’exercice du droit syndical et l’autre à la prévention et au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève, soumise aux députés de l’APN pour en débattre.